Types de Thermocouples, Normes, Tables de Référence
Dans le passé, l’essai de nombreuses combinaisons de métaux a souvent donné des thermocouples acceptables, chacun fait exactement pour sa propre plage d’utilisation. Mais les nécessités liées à la fabrication industrielle des thermocouples et à l’interchangeabilité de ces capteurs ont rapidement amené les fabricants à les normaliser, en se limitant à quelques types bien spécifiques qui couvrent largement la majorité des besoins.
La norme européenne CEI 60584.1 rassemble les tables de référence de huit types de thermocouples. Ces tables permettent de connaître la température de soudure chaude en fonction de la f.é.m. lue à la jonction de référence. Les fabricants peuvent ainsi contrôler avant livraison la conformité de chaque thermocouple à une relation f.é.m. / température normalisée.
Basée sur l'EIT 90, la norme CEI 60584.1 couvre les types de thermocouples les plus utilisés. Elle identifie les thermocouples par leur code en lettres et par leur appellation, dans laquelle l’élément positif est cité en premier. Elle fournit pour chaque couple thermoélectrique une table de f.é.m. en fonction de la température par pas de 1°C, une table inverse (température en fonction de la f.é.m. par pas de 10 ou 50 mV), ainsi que les polynômes d'approximation dont les tables sont tirées.
Nous étudierons brièvement ci-dessous les propriétés de ces huit couples thermoélectriques.
La température maximale d’utilisation donnée devra être interprétée avec prudence car elle dépend en particulier du diamètre de conducteurs et d'un nombre important de variables d’environnement.
Les tableaux 3.1 et 3.2 résument les matériaux utilisés pour les thermocouples à base de métaux précieux (platine) et pour les thermocouples courants. Le domaine de température est le domaine réel d'utilisation.
Tableau 3.1: (ci dessus) Thermocouples à base de platine.
Tableau 3.1: Thermocouples à base de métaux courants.
Type K: Chromel / Alumel
Désignation officielle : nickel-chrome / nickel-aluminium. Le type K est toujours le thermocouple le plus utilisé dans l’industrie. Initialement développé pour les milieux oxydants, tous les autres milieux ne lui sont accessibles qu'au prix d'une protection soignée. La température maximale se situe vers 1100°C, mais au-dessus de 800°C l’oxydation provoque une dérive ; le thermocouple sort progressivement de sa classe de tolérance. Il est toutefois possible de l’exposer brièvement à 1200°C et sa table de référence s'étend au-delà de 1300°C. Ce thermocouple s’utilise aussi en mesure du froid jusqu’à -180°C.
Le couple thermoélectrique type K est très répandu en raison de sa large plage de mesure et de son prix, mais sa stabilité est moins satisfaisante que celle d’autres thermocouples courants. Lors de cycles de température, l’hystérésis qui se manifeste entre 250 et 600°C et plus précisément entre 300 et 550°C est à l’origine de plusieurs degrés d’erreur. Progressivement, et même dans le nucléaire où l'on apprécie sa bonne tenue aux radiations, le type K laisse progressivement la place au plus performant type N.
Type T: Cuivre - Constantan
Désignation officielle : cuivre - cuivre nickel. Ce thermocouple est très utilisé en laboratoire sur la plage -185 à +300°C. Sa répétabilité est exceptionnelle sur le domaine -200 +200°C (± 0,1°C). On tiendra toutefois compte de la haute conductivité thermique du cuivre, qui peut être à l’origine de fuites thermiques le long de ce conducteur. La limite supérieure du domaine d'utilisation se situe vers 400°C : au-delà de cette température, le conducteur cuivre s’oxyde rapidement.
Type J: Fer / Constantan
Désignation officielle : fer / cuivre-nickel. Le type J est l’un des rares thermocouples à pouvoir être utilisé sans risque en milieu réducteur. En milieu oxydant il se dégrade rapidement au-delà de 400°C. La température maximale en utilisation continue se situe autour de 700°C, mais la table de référence du thermocouple type J s'étend au-delà de 1000°C. Le thermocouple J est fragilisé à basse température. Il est également recommandé d’éviter la condensation qui entraîne l’oxydation du conducteur fer (positif).
Type N: Nicrosil - Nisil
Désignation officielle : nickel chrome silicium - nickel silicium. Ce thermocouple n'a pas les défauts du Chromel - Alumel. Il montre une bien meilleure résistance à la dérive par oxydation à haute température. Il est aussi plus stable que les thermocouples courants (et que les thermocouples platine, dans une certaine mesure : voir chapitre 1, section 2.4). Il accepte des températures d’utilisation plus élevées que le type K (plus de 1280°C sur courte période).
L'amélioration significative de la résistance à l’oxydation a été obtenue grâce à des taux plus élevés de chrome et de silicium dans le conducteur positif. De même, le silicium et le chrome présents à doses plus importantes dans le conducteur négatif forment une barrière empêchant la diffusion.
L'amélioration de la stabilité magnétique, particulièrement remarquable sur la plage 300 à 500°C où le thermocouple K affecté de certaines particularités magnétiques et d'inhomogénéités structurelles présente une hystérésis importante, a été obtenue grâce aux taux élevés de chrome dans la composition du Nicrosil et de silicium dans celle du Nisil.
La dérive qui se manifeste à terme sur les thermocouples chemisés type K par migration, à travers la magnésie, de manganèse et d'aluminium, éléments vaporisés en provenance du conducteur négatif qui polluent le conducteur positif, n'affecte pas le thermocouple N dont les conducteurs ne contiennent que quelques traces seulement de manganèse et d’aluminium. Enfin, l’absence de ces deux métaux et l’absence de cuivre dans le conducteur négatif favorisent la stabilité du thermocouple en milieu nucléaire.
L’autre qualité fondamentale que lui reconnaissent les fabricants et les distributeurs du type N, c'est qu'il offre l’essentiel des caractéristiques des thermocouples à base de métaux précieux au prix des thermocouples courants. C’est vrai jusqu’à 1280°C : sous certaines conditions d’utilisation, on peut remplacer le thermocouple type S ou type R en utilisation continue à cette température par le couple N, 10 à 20 fois moins onéreux.
Le type N n’a pas été adopté aussi rapidement qu’on l’avait prédit, mais récemment de nouveaux métaux de gainage développés spécialement autour de ce thermocouple ont confirmé ses capacités.
Type S: Platine Rhodié 10% / Platine.
On utilise surtout ce thermocouple au-dessus de 1000°C, jusqu'à 1550°C en continu sous atmosphère oxydante (l'air constitue un bon milieu) et jusqu’à 1600 ou 1700°C sur courte période. A haute température, on choisit pour les isolateurs et les gaines de protection une alumine de pureté supérieure à 99,5%. Lorsque l'application ne permet pas une propreté très poussée, l'utilisation d'une gaine de protection étanche est recommandée en raison du risque de contamination du couple thermoélectrique par le milieu ambiant.
Un autre risque existe en usage continu à haute température : le rhodium peut migrer du conducteur positif au conducteur négatif.
Ces deux modes de détérioration se traduisent par une baisse de la force électromotrice.
Type R: Platine Rhodié 13% / Platine
Proche du type S, ce thermocouple offre une f.é.m. légèrement plus élevée, il est aussi plus stable. Le type R est peu répandu en France malgré un domaine d’utilisation presque identique à celui du type S.
Type E: Chromel - Constantan
Désignation officielle : nickel chrome - cuivre nickel. Thermocouple apprécié pour sa f.é.m. élevée (la plus élevée parmi les thermocouples usuels), bien que cette caractéristique ait perdu de son attrait en raison des progrès accomplis sur les circuits d'entrée en matière d'amplification. Sa plage d’utilisation permet à court terme des excursions à -40°C et à 900°C sous atmosphère oxydante ou inerte. Mieux adapté aux mesures de précision que le type K car plus stable, il cède néanmoins le pas au type N plus performant en terme de stabilité et d’étendue de mesure.
Type B: Platine Rhodié 30% - Platine Rhodié 6%
Apparu dans les années 50, le thermocouple type B convient pour la mesure en continu à 1600°C et jusqu’à 1800°C environ en pointe. Il est presque identique aux autres thermocouples à base de métaux précieux (types S et R), à ceci près que sa f.é.m. est moins élevée, raison pour laquelle il est déconseillé de l’employer au-dessous de 600°C. Autre particularité : le type B ne nécessite pas de compensation de soudure froide lorsque la température de la jonction de référence est située entre 0 et 50°C : sur cette plage de températures, la f.é.m. du type B est négligeable.
Thermocouples Tungstène Rhénium
Il existe principalement trois types de couples thermoélectriques en alliages tungstène - rhénium : le type G ou W (tungstène - tungstène 26 % rhénium), le type C ou W5 (tungstène 5 % rhénium - tungstène 26 % rhénium) et le type D ou W3 (tungstène 3 % rhénium - tungstène 25 % rhénium). Le type G est le moins onéreux, mais le conducteur tungstène montre une certaine fragilité.
Le domaine d’utilisation des thermocouples tungstène - rhénium s’étend de 20 à 2300°C (2600°C sur court terme). Ils s'utilisent sous vide, sous hydrogène pur ou en atmosphère neutre.
Au-delà de 1800°C peuvent apparaître des problèmes liés à l’évaporation du rhénium. Les isolants les plus fréquemment employés avec les thermocouples tungstène - rhénium sont l’oxyde d’hafnium et la thorine (ThO2) dont les points de fusion se situent vers 2500°C (HfO2) et 3000°C (ThO2). Il n'est toutefois pas exclu que ces matériaux réagissent à haute température avec les conducteurs.
Ces thermocouples ne sont pas normalisés en Europe. En revanche, la norme américaine ASTM E 988 couvre les combinaisons tungstène 3 % rhénium - tungstène 25 % rhénium et tungstène 5 % rhénium - tungstène 26 % rhénium.
Thermocouple Iridium 40% Rhodium-Iridium
Ce thermocouple à base de métaux rares est le seul à pouvoir atteindre 2000°C dans l'air (sur courte période). Il s'utilise aussi sous vide et en atmosphère neutre, mais il n’existe pas pour lui de table de référence officielle, et c’est aux utilisateurs de demander au fabricant les relevés d’étalonnage des capteurs livrés. Le thermocouple iridium 40% rhodium - iridium montre une certaine fragilité après utilisation à haute température.
Thermocouple Pt 40% Rh - Pt 20% Rh
Avec ce couple thermoélectrique, il est possible de faire des mesures situées 50 à 100°C au-dessus du domaine d’emploi du thermocouple type B : 1700°C en continu, 1850°C sur courte période. Contrairement au type B, une compensation de soudure froide est toutefois nécessaire. Comme il n’a pas été établi de table officielle, le constructeur fournit habituellement les tables d’étalonnage.
Thermocouple Chromel/Or - 0,07 At.% Fer
Développé spécialement pour les basses températures, ce thermocouple capable de mesurer au-dessous du Kelvin est plus à l’aise au-delà de 4 K. L’or utilisé pour sa fabrication doit impérativement être d'une grande pureté. On dispose d'une table de référence ASTM pour l’alliage utilisé aux Etats-Unis, fabriqué à 0,07 At.% Fer (avec 0,0197 % de fer en masse). Il existe un équivalent européen avec négatif fabriqué avec 0,0085 % de fer en masse.